De 3 Chef-d'oeuvre récents.

  • Zalya

Comme annoncé dans le titre, j'ai récemment vu trois films remarquables dont j’aimerais parler ici. J'ai remarqué avec amusement que ces trois films (voyez comme je fais planer le suspens quant à l'annonce de leurs titres), ces trois films donc, gravitent curieusement autour d'un quatrième film, d'une médiocrité "grand public", snobé par nos élites cinéphiles et adulé par les autres, j'ai nommé la Famille Bélier. Et je trouve donc amusant de partir de ce film moyen pour dériver vers les variations fascinantes de ses thèmes que l'on retrouve dans les trois films sus-nommés. Non en fait, pas nommés encore. Et puisque c'est mon blog, je fais ce que je veux, donc parlons de chefs-d’œuvre ET de la Famille Bélier en même temps. parce qu'il faut de tout pour faire un monde.

Je suis donc allée voir le triomphe du moment, pas vraiment avec enthousiasme, puisque j'ai une tendance allergique au cinéma français. Celui-ci ne fais pas exception à la règle de médiocrité qu'on a tendance à placer, parfois hâtivement, sur toutes les productions françaises actuelles. Les dialogues surtout, sont terriblement mauvais. Et puisque j'ai parlé de variation autour des thèmes de bases abordés dans ce film, tout le monde s'attend à ce que je parle de la surdité et donc de The Tribe. Hors, je n'ai pas aimé The Tribe, donc je ne le range pas dans cette mystérieuse liste des trois films qui m'ont marqués ces dernières semaines ; et je trouve que la surdité n'est qu'un prétexte de vente pour La Famille Bélier d'autre part, qui développe ce thème avec superficialité et sans grand réalisme. Alors réglons la question de la surdité une bonne fois pour toute dans cette article. j'ai été frappée de remarquer une certaine tendance cinématographique actuelle à intégrer cette question. De façon frontale dans The Tribe, mais aussi de manière plus ludique et accessoire dans 108 Rois Démons (qui connaît actuellement un grand échec en salle, à mon plus grand désespoir). Quoi qu'il en soit, je ne sais si la Famille Bélier se voulait de surfer sur cette mode douteuse, ou s'il n'y a ici qu'une énième coïncidence. En tous les cas, ce film n’apporte par grand chose à la problématique qu'avait soulevé The Tribe, de manière plutôt remarquable il faut bien l'avouer. Le pari dans The Tribe, tenu, était de ne pas sous-titrer le film. Chacun verra la signification qu'il voudra dans ce geste fort, pour ma part j'y ai vu un hommage à cette langue dansée, universelle et instinctive. Non, ce qui m'a déplu dans the Tribe concernait l'histoire, une sorte de surenchère de malheur greffés sur des personnages malgré tout peu attachants. Mais c'est un autre débat. Là où la Famille Bélier se plante, c'est qu'il ne croit pas au pouvoir du langage des signes. On sent une volonté d'éviter de sous-titrer au maximum, mais on cherche toujours un prétexte pour faire comprendre ce qui se dit (bien souvent la fille qui traduit pour un autre personnage, ou de manière absolument pas crédible qui reprend à voix haute toute la conversation. Déjà qu'elle était mauvaise actrice, c'était se tirer une balle dans le pied que de lui faire jouer des scènes aussi mal écrites. Mais c'est, à nouveau, un autre débat)... (non pardon, je rouvre la parenthèse, mais pourquoi cette fille a eu un Césars bon sang de bois ?! On en est vraiment à ce stade avec nos acteurs ? j'ai pourtant l'impression qu'on a quelques talents qui se cachent... Bon, fin de la parenthèse, hop :)

En fait, les réels sujets que je vois soulevés dans La Famille bélier sont ceux de l'enseignement, du rapport élève-professeur, et une ode à la musique. Ça y est ? Vous voyez un peu mieux où je veux en venir ? En même temps, ce n'était pas très compliqué de deviner que j'allais parler de Whiplash. Comme tout le monde, mais il faut bien. Cependant, si Whiplash peut se raccrocher aux trois thèmes évoqués ci-dessus, il m'a surtout marqué pour le deuxième, celui de cette relation si particulière entre l'élève et l'enseignant. Et pourtant, si les deux films l'abordent, ils le font tous deux de manière radicalement opposé. Trop développer la question serait spoiler, et je ne suis pas sure de savoir apporter quoi que ce soit de plus que de la paraphrase. Mais je trouve intéressant de mettre les deux films en relation, ainsi, si il est de ton devoir, à toi, lecteur, de voir Whiplash si ce n'est pas déjà fait, je serais presque tentée de te dire, s'il te reste un peu de temps et d'argent, d'aller le confronter à La Famille Bélier, ou plutôt de voir notre film français de l'année en premier, de manière à apprécier l’évolution, et la profondeur que prennent ces rapports, et comme la tension noue paradoxalement ce lien intime et unique entre deux être qui, tel que la société voudrait l'entendre, se devraient d'être distants l'un vis--vis de l'autre. Peut-être que j'en fais trop, mais c'est un thème auquel j'ai moi-même été confrontée dans ma vie, et qui me touche forcément plus qu'un thème ou qu'un type de relation qui me serait inconnu. Rassurez vous cependant, je n'ai jamais rien vécu de comparable à ce qui se déroule dans Whiplash...

Je vais en profiter pour une petite digression sur ce film formidable. C'est un film qui, en plus des thèmes évoqués précédemment, aborde aussi le thème de l'ambition, et pose la question de savoir jusqu'où on est prêt à aller pour s'assurer l'avenir que l'on désire. A nouveau, me voila piquée dans mes rêves fou que je m'acharne pourtant à réaliser. Mais cet article commence dangereusement à prendre des airs de journal intime... Plus concrètement, me voila encore une fois obligée de saluer le travail du chef-opérateur, cette fois-ci pour sa réflexion sur les cadres, avant le tournage, et le soin apporté à ceux-ci, pendant. Évidemment, bande son formidable, même si je n'y connais rien et qu'en plus je n'aime pas le jazz (J'ai d'ailleurs été irritée par ce "quand on est pas bon, on fini dans un groupe de rock", qui traînait au début du film...). Les acteurs et la mise en scène sont d'une grande justesse, racontant des événements qui auraient pu sembler bien plus irréalistes que ceux de la Famille Bélier finalement, mais traités avec tellement plus de talent que je vais cesser cette comparaison insultante tout de suite. Le récit est à l'image de l’obsession des protagonistes : le rythme. Dans la musique comme dans la narration, on se pose toujours la question de savoir si on est en avance ou en retard, pour finalement délivrer les événements comme les coups de baguettes exactement au bon moment. Le temps est alors présent sur trois plans différents : la gestion du temps du film (enfin un film qui ne dure pas trois heures !), la gestion du temps, pour le moins chaotique, du personnage (j'ai trouvé mon maître en problème de retards !), et la gestion bien sur du rythme d'un morceau, que la batterie fédère. Le cinéma n'est plus alors interrogé qu'en question d'espace, comme on a trop souvent tendance à le faire, mais aussi dans une dimension temporelle. Et à l'image, la question est également traitée de façon complète, des gros plans sur les horloges, à la réflexion sur la vitesse d'un travelling avant. Brillant. Et cette brillance nous donne au final de ce genre de film, trop rare à mon goût, et qui sont pourtant la plupart du temps ceux qui restent dans l'Histoire : un vrai film tout public. Qu'on soit enfant ou vieillard, habitué des salles obscures ou grand débutant, tout le monde y trouve son compte. Si tu te sens l'âme analyste, tu trouveras matière à réflexion (je me suis juste contentée ici de lâcher des grandes idées qui me sont venues au visionnage, mais j'en ai sûrement loupées nombre d'autres), mais si tu n'as pas envie de réfléchir, on te livre dans le même temps un film passionnant, jamais ennuyeux, toujours saisissant, beau tant sur le plan visuel que sonore, plastique que sentimental. Si tu viens pour pleurer c'est le bon film. Si tu viens pour passer un bon moment c'est le bon film. Si tu viens pour la musique c'est le bon film. Si tu viens pour te prendre la tête, c'est le bon film. Et si tu viens pour découvrir ce que le cinéma a de meilleur à proposer, c'est aussi le bon film. Un peu comme l'on été ceux de Chaplin ou de Hitchcock. Je m'enflamme ?

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Deuxième problématique donc, très liée à la première, la question de l'enseignement. Comment fait-on pour donner goût à ses élèves ? Question mollement soulevée dans la Famille Bélier, ou l'on nous montre un enseignant qui semble, au premier regard, vraiment incompétent en la matière, mais qui se révèle finalement capable d'intéresser ses élèves. Enfin deux. Et puis c'est une matière facultative, donc les élèves sont plus ou moins déjà là de leur plein gré. Et puis c'est pas comme si c'était compliqué de faire aimer la musique. Bref, sujet écourté et facile. Encore une fois, un endroit où l'on aurait pu creuser et déterrer des questionnements fascinants, et où l'on ne fait que grattouiller doucement, en suggérant d'aller voir un autre film. Et l'autre film cette fois-ci, il s'appelle Les Héritiers. Je n'ai pas grand chose d'objectif à dire sur ce film. En réalité, je ne me souviens pas avoir été frappée par une audace visuelle ou sonore, par un montage expressif, ni même par une mise en scène assumée. Mais si j'en parle ici, c'est parce que je n'ai pu m’empêcher de pleurer tout au long du film, et que ses personnages m'ont transpercés le cœur. En règle générale, je suis plutôt agacée par cette fameuse annonce : "d'après une histoire vraie". Premièrement on s'en fiche, si on veut des histoires vraies on regarde le JT. deuxièmement c'est mensonger, puisque jamais le scénario ne colle parfaitement à la réalité, et heureusement, sinon ce serait ennuyeux. Il est tout de même à noter que le scénariste du film y joue son propre rôle. Cette auto-mise en scène a quelque chose de fascinant. On nous évoque là la question du souvenir, alors même que le sujet du film est lui aussi sur la mémoire d'un événement passé. Pour le coup, notre homme aurait mérité son Césars. Mais le personnage qui me frappe le plus dans ce film, et qui lui vaut sa place dans cette comparaison, c'est évidemment le personnage de l'enseignante. Cette patience qu'elle met en place, mais surtout la confiance qu'elle accorde en ses élèves, et comment leurs comportements changent envers elle, lentement, jusqu'à atteindre cette même confiance et ce même respect. Et cette lute éternel, à recommencer à chaque rentrée des classes, transformerait presque finalement ce film en une ode aux professeurs qui croient encore en leur métier, et certainement en un remerciement sincère de la part de l'un de ces élèves qui a ainsi pu s'épanouir. Et c'est ce qui fait que je ne range pas ce film dans le même tiroir "médiocre" que les autres films français. Type la Famille Bélier.

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Et revenons-y une dernière fois, pour amener ma dernière comparaison, certainement la plus audacieuse. Il est cette fois question de musique. C'est vrai, la Famille Bélier reste une ode à cet art, un chant d'amour, si je puis me permettre un jeu de mot douteux. Après, on aime ou on aime pas Michel Sardou, mais comme je l'ai déjà dit, c'est un autre débat. Cependant, c'est niais, et à nouveau, ce n'est qu'un thème jeté là comme on aurait pu en faire de même avec un autre, sans soulever la moindre question, sans réellement y croire. Et, tout comme la surdité, ce qui semblait être l'un des thèmes principaux devient un gadget vendeur. A l'inverse, cette ode semble moins primordiale dans White God. Et pourtant.

C'est vrai, White God raconte avant tout l'amitié entre une jeune fille et son chien, ou encore leurs destins face à un monde cruel et égocentriste. Oui, et c'est aussi, surtout, pour cela que j'ai aimé ce film. Et pour comment ils ont réussi à faire un La Belle et le Clochard trash. Comment à aucun moment ce n'est pathétique ou grossier, et comment, in fine, le film défend l'antispécisme. Ouais, j'ai appris ce mot il y a peu, et ça fait intelligent. Et à nouveau, on vient toucher ici à mes convictions intimes : Pourquoi la vie d'un chien, ou de n'importe quelle créature, aurait moins d'importance que celle d'un être humain ? Et je n'ai jamais eu d'argument plus fort pour défendre ce point de vue, sûrement l'un de ceux que j'ai le plus défendu en ce court début de vie, qu'avec ce film. Et là vous vous dites : Elle est bien gentille, mais la musique dans tout ça ? Minute, j'y viens. Parallèlement au destin terrible du chien, on suit sa jeune maîtresse, interprétée magistralement par ailleurs. On voit en outre un étrange parallèle entre ces deux destins, qui cherchent violemment à se retrouver, et qui ne parviennent qu'a s'éloigner un peu plus à chaque instant. Si les deux histoires ont un début et une fin communs, elles sont entre les deux divergentes, et se répondent pourtant étrangement. Mention spéciale aux deux climax qui s’enchaînent coup sur coup, et qui amènent le spectateur à un degré d'émotion rarement atteint. Et la musique ? Oui je m'égare, mais j'y viens. Mon problème est que la puissance de la musique est surtout révélée à la fin, et comme beaucoup d'entre vous, lecteurs, mauvais élèves que vous êtes, n'avez pas vu le film, je suis bien embêtée. Quoi qu'il en soit, sans raconter, cette fin frôle à nouveau le cliché Disney, et s'en arrache violemment en même temps, créant dans cette tension même une émotion d'une incroyable intensité. On l'attendait, et cela arrive, parfaitement comme on l'avait pensé, et pourtant tellement différent. Et c'est magnifique. Cette fin magistrale, ode à la musique donc, est criée silencieusement tout au long du film, par cette scène d'ouverture merveilleuse qui se déroule dans un silence religieux, puis par la présence apaisante de cette petite trompette brillante, dont la lumière contraste avec ces atmosphères nocturnes et brumeuses, dont la netteté contraste avec ce monde haineux et sale, dont le son clair même s'oppose au bruits sourds qui pèsent tant sur le chien que sur la jeune fille (notamment dans la scène de la soirée). Bref, cette trompette devient personnage en elle-même, entre la superstition de l'ange gardien et la personnification même de l'espoir. En tout les cas métonymie de la musique en elle-même. Et c'est en cela que White God est un hommage profond à cet art, en plus d'un apport majeur au septième d'entre eux.

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Autrement dit et pour conclure, ne vous embêtez pas à aller voir La Famille Bélier, qui est assez ennuyeux et pathétique, et remplacez-le, si vous avez le budget et le temps, par les trois films que je viens de vous citer, auxquels vous pouvez ajouter en bonus The Tribe (moi j'ai pas aimé, mais cela ne signifie pas que le film soit mauvais). Sinon, réfléchissez au thème qui vous donne envie d'aller voir La Famille Bélier, et allez voir le film des 4 que j'ai cité qui y correspond. Heureusement que je suis là pour vous empêcher de perdre votre temps. Et pour vous éviter d'avoir du Michel Sardou dans la tête pendant 3 semaines...

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